Chronique sans enfant

Cette semaine, dans ma vie professionnelle, quelqu’un que je ne connaissais que depuis 3 minutes, m’a demandé si j’avais des enfants. Alors, non, mais merci j’en ai déjà vu, je sais à peu près à quoi ça ressemble.

D’accord, son sujet parlait d’enfant mais bon, je ne pense pas que ce soit une raison pour qu’elle s’enquière de l’état de mon utérus. Surtout que, si tu m’expliques bien ton produit, je pense que je n’aurai pas besoin de neuf mois à l’eau minérale et d’une épisiotomie pour le comprendre. Ou alors, tu vas avoir un vrai problème pour le vendre.

J’ai un peu de mal avec les gens que tu ne connais pas qui te posent des questions plus personnelles que s’ils faisaient partie de ta famille. Comme à la Fête des Voisins où une nana que tu croises habituellement vite fait les matins en courant choper ton train se permet, sous prétexte de sociabiliser, de t’expliquer que les écoles du coin sont vraiment bonnes, gros clin d’œil appuyé. Merci, j’ai fini mes études et je crois que j’avais plutôt cartonné en CE1, pas besoin que j’y retourne. Je veux bien qu’on essaie de créer du lien pour que ce soit moins gênant le jour où tu auras besoin de m’emprunter des outils mais si on pouvait s’en tenir à la météo qui déraille et au dernier film que tu as vu au ciné, crois-moi, ça me suffirait.

Pourquoi, quand tu as une trentaine d’années, des tas de gens que tu rencontres se prennent pour des agents en charge d’une « propagande pro-enfants » ? (oui, entre guillemets parce que n’exagérons pas non plus, les mots ont une signification…) Ça leur donne droit à une réduction sur les frais d’inscription au club de judo du petit Gaspard-Léon s’ils réussissent à te convaincre ? Ils croient vraiment que tu ne savais pas que c’était une possibilité ? Et puis, pourquoi ça vient surtout de gens que tu connais à peine ?

En vrai, en plus, je n’ai pas d’enfant « à moi » mais j’ai la chance d’être une tata et une marraine. Deux fois.

Tata, c’est par les liens du sang donc pas vraiment décidé pour moi mais marraine, ça veut quand même dire que 2 personnes, que je pense plutôt saines d’esprit, ont voulu que je fasse partie de la vie de leur enfant. Et même si je ne suis pas « marraine » de ma nièce, je sais que c’est à peu près pareil, le côté signature officielle en moins.

Outre l’aspect très flatteur, j’adore ce rôle. Avec mes deux filleul.e.s, c’est encore un peu tôt mais avec ma nièce, c’est quand même très marrant. Je suis celle qui peut lui donner des bonbons et la faire diner de chamallows, celle qui la fait danser sur du Abba, celle qui lui apprend à réclamer l’apéro (avec l’aide des grands-parents…), celle qui lui offre une batterie.

J’espère être celle vers qui tous les trois pourront se réfugier et à qui ils demanderont si elle peut aller briser les genoux du petit morveux qui les a fait tomber. Et comme je n’aime pas trop les autres enfants mais que pour eux, je ferai ce qu’il faut, les petits caïds des cours de récré sauront qui je suis (et risquent d’avoir mal aux genoux).

Plus sérieusement, je suis vraiment touchée d’avoir été choisie et j’espère que je serai  à la hauteur. Que je serai capable de les aider à grandir, à comprendre des choses, à en découvrir d’autres. Que je saurai leur montrer qu’ils peuvent réussir tout ce qu’ils ont envie d’entreprendre, que ce soit astronaute, paléontologue, infirmier.e ou chanteur à The Voice (oui, enfin ça, j’essaierai peut-être d’en parler un peu plus longuement avec eux). Qu’ils sauront que je fais partie des adultes vers qui ils pourront se retourner à n’importe quel moment. J’ai envie de pouvoir leur expliquer que chacun peut faire ce qu’il veut tant que ça n’empiète pas sur la vie des autres, qu’ils sont exceptionnels mais qu’ils ne sont pas mieux que les autres. Faire partie de leur vie tout simplement. Et permettre à leurs parents que j’adore d’avoir une soirée de libre de temps en temps (mais pas avant qu’ils soient propres, c’est le deal).

Et puis, une des bonnes choses de la vie de tata et marraine, je n’ai pas vraiment à les élever. Donc dès que ça crie un peu trop fort, que ça pleure à grosses larmes parce qu’on a zappé de Gulli, qu’il faut ranger la chambre, je peux me réfugier dans mon appartement où on ne mange pas forcément des coquillettes au beurre à 19H30.

Bref, non, je n’ai pas d’enfant mais j’ai mieux que ça : j’ai des gens assez fous pour vouloir que je fasse partie de la vie des leurs. Des gens tellement fous que je ne trouve pas les mots pour leur dire à quel point ça me touche. Et ce n’est pas si souvent ! (que je ne trouve pas les mots, pas que quelque chose me touche. Je n’aime pas les autres enfants mais je ne suis pas un mollusque)

Sur ce, je vous laisse, je dois aller emprunter du sucre à ma voisine, il faut que je cherche mon carnet de santé pour lui montrer que je vais bien quand même.

4 commentaires sur « Chronique sans enfant »

  1. Perso, c’est pas la question « t’as des enfants ? » que je trouve invasive, mais plutôt la suite selon ta réponse :
    – si tu dis « non », tu as droit à « et t’en veux pas ? » (ce à quoi tu as envie de répondre « pourquoi ? T’en a à vendre ? Connasse ! »)
    – si tu dis « oui, j’ai une fille » (comme c’est mon cas), inévitablement ça va être « et le 2e c’est pour quand ? » (« attends, laisse-moi réfléchir… jamais ! »)

    Les gens sont gonflants de faire de leurs cas des généralités ; c’est pas parce que Josiane a pondu une équipe de foot que toi t’as forcément envie de faire pareil !

    Aimé par 2 personnes

  2. J’ai 33 piges, et c’est une question qui revient fort régulièrement, surtout que bon, ça fait un bail qu’on est ensemble avec mon partner in crime… en gros, c’est louche. Et si je n’ai pas la chance d’être marraine, j’ai plein de copines qui ont des mouflets avec qui je m’éclate (pendant qu’elles descendent leur bière) et une belle vingtaine à éduquer tous les jours depuis septembre car j’ai eu la folie de devenir maîtresse. Et j’espère leur inculquer chaque jour la base, se respecter soi et les autres. Sinon, mon utérus se porte très bien, ma tête un peu moins 🙂 ! Belle journée !

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire