Je me suis souvent dit que j’étais quelqu’un d’organisé : je fais des listes de tout (rien que cet argument devrait suffire à démontrer le point), j’ai une idée plutôt précise de comment s’articulent mes journées, quand je pars en voyage, j’ai une petite pochette avec mes papiers importants, j’ai des captures d’écran, aussi sur un drive, de mon passeport et mon billet d’avion (ça, il faut dire que je n’ai pas le choix, sinon ma mère ne me laisse pas partir) et j’ai un agenda partagé avec Le Mâle. Je me pensais donc organisée.
Mais ça, c’était jusqu’à ce que je croise le chemin de cette dame. La semaine dernière, je vais à la salle de sport comme chaque lundi matin depuis … lundi et alors que je suis en train de me changer, cette petite dame (oui, le lundi matin à la salle, le public est plutôt fait de « petites dames ») arrive et pose sur le banc commun, un parapluie, emballé dans un ziploc. Là, le choc. Non seulement, elle a pensé à regarder la météo avant de sortir de chez elle et a prévu de prendre un parapluie pour l’averse apparemment annoncée dans l’après-midi (non, il ne pleuvait pas à ce moment-là) mais surtout, elle a anticipé le fait qu’elle devrait le mettre dans son sac même après la pluie et donc l’a emballé. Déjà, là, moi qui n’ai de perspective météo que ce qui est visible de ma fenêtre au moment où je me prépare, l’aurais de toutes façons, respectée pour son écoute attentive d’Evelyne Dhéliat. Mais il n’était pas seulement emballé, elle avait prévu un sac qui se referme, pour éviter les gouttes baladeuses. Qui fait ça ? Qui est si organisé que la moindre goutte de pluie, un jour de fortes averses l’après-midi, ne puisse s’échapper vers un livre de poche qui va gondoler ?
A partir de là, mon monde, bien que fait de listes, s’est écroulé. Je ne suis pas si organisée. Et à y regarder de plus près, ce n’est pas si faux.
Et cette histoire de listes, les vraies personnes organisées savent à quel point c’est de la poudre aux yeux. Je dresse des listes pour tout et son contraire : évidemment mon travail, mais aussi les livres que j’ai envie de lire ou que j’ai lus, les films et expos que je voudrais voir, les pays où je suis allée et ceux où je n’attends que ça, les petits travaux à faire dans l’appart, les idées de cadeaux pour mes proches que je note au fur & à mesure de nos discussions toute l’année. J’ai des tableaux pinterest pour des recettes de cuisine, des astuces sur excel et des tenues que j’aimerais porter. J’ai des collections instagram de marques que j’ai envie de prospecter, de lieux à ajouter à ma liste de voyage et de restos que je n’ai pas encore entrés dans mon Mapstr. Et à l’énumération de cette liste de listes, on comprend bien le problème : j’en ai partout, rien n’est centralisé, je perds un temps fou à me demander où sont les listes (au travail : mon semainier, mon grand cahier et mon tableau dans Notes…) au lieu de juste savoir que si j’ai besoin de la recette du gâteau au yaourt (ne me jugez pas, je ne me rappelle jamais les proportions), j’ai juste à aller sur Marmiton. Peut-être que l’espace disponible dans mon cerveau si j’arrivais à tout mettre au même endroit, me servirait à retenir que 1 pot de yaourt = ½ d’huile, 2 de sucre et 3 de farine !
D’ailleurs, je crois que la vraie force de l’organisation, c’est ça : te libérer l’esprit. Tout est si carré que tu n’as plus à penser et ça se fait tout seul. Ça explique le succès de toutes ces influenceuses qui ont fait leur beurre sur comment plier tes couvertures en forme de coussin pour qu’elles ne prennent pas de place dans ton placard et autres chantres de « prévoyez tout à l’avance, vous gagnerez du temps ». Oui mais voilà, gagner du temps pour recommencer à organiser, ce n’est pas un programme qui me fait rêver.
Ne nous méprenons pas, j’ai une admiration folle pour ces gens qui savent que leur dimanche après-midi est dédié à la cuisine de tous leurs plats de la semaine ou qui réservent leurs prochaines vacances à peine les précédentes terminées. Mais mon cerveau n’est pas programmé pour ça. J’ai du mal à autant anticiper, je me dis qu’on perd en magie de la vie. Je n’ai pas envie de savoir dès le dimanche midi ce que je vais manger sur les 12 repas suivants. Je veux me laisser la possibilité de régresser complètement et diner d’un bol de céréales ou d’aller boire un verre avec des amis et que ça finisse en « allez, on prend une grande planche mixte, ça vous va ? » Je veux de la surprise, du fun et de l’imprévu. Même si je sais bien que c’est peut-être plus valable pour l’annulation d’un cours de sport pour un ciné avec une copine que pour l’achat d’un appart ou la gestion d’une entreprise.
Tant pis pour l’organisation, je continuerai donc à trimballer mon parapluie dégoulinant (quand je pense à le prendre) à la main et à le secouer avant d’entrer.
