Chronique pimpée

Tout a commencé dimanche dernier. Alors qu’on repère un meuble sur Le Bon Coin, je me dévoue pour m’extirper du plaid dominical et aller le récupérer. Bien entendu, jour du seigneur oblige, j’ai un vieux jean plus troué que la tendance ne l’accepte, un pull très confortable, des cheveux propres mais pas coiffés (et sur cheveux courts, ça se voit) et j’ai laissé ma peau respirer. (Autrement dit, j’ai une tête pas officielle et un look de bricoleur sans les taches sur les vêtements pour le justifier)

Mais si contente d’avoir enfin trouvé ce meubles 4 cases pas Ikea, j’enfile ma paire de baskets assortie à ce look et je file en direction du graal.

Quand mon bienfaiteur arrive au point de rdv, je suis si satisfaite de ma trouvaille que je ne fais pas attention. Au début. Ce n’est qu’une fois que je lève les yeux vers le vendeur que je perçois son œil de jugement. Il me regarde de haut en bas et je sens qu’il cherche un indice de ma Valérie-Damidot-ïte. Il ne l’a évidemment pas dit à haute voix (il était bien élevé ou peut-être juste pressé de vendre) mais j’ai bien entendu qu’il se disait « on ne peut pas être fagotée – oui c’est sûr, il a dit « fagotée » – comme ça autrement que si on est en train de retaper toute une maison et de repeindre toutes les pièces couleur taupe. » Il faut dire que son look à lui laissait penser sa folie du Friday-Wear, c’est de dénouer la cravate.

Le pire, c’est que, sur le moment, je l’ai compris. Pour le rassurer et ne pas briser tout son schéma de valeurs, j’ai même ajouté « en tout cas, merci d’avoir répondu si vite, ça va nous permettre de finir la chambre aujourd’hui ». Soit « Veuillez m’excuser Jean-Kevin pour cette tenue qui ne rend pas hommage à l’importance que j’accorde à cette interaction sociale qui ne prendra pas plus de 10 minutes de nos vies respectives ».

Parce que c’est un peu ça, non ? Outre le fait que je me suis peut-être (sûrement) fait un film sur la façon dont ce monsieur en polo en cachemire et pantalon à pinces repassé me voyait, il y a, dans la façon dont on s’habille et dont on se présente aux autres donc, une sorte d’indice sur l’estime qu’on leur porte. Attention, je ne parle pas de style. Pour certaines personnes, le comble du chic sera un pantalon et un pull noirs, tout en sobriété, quand pour d’autres, ce sera chapeau à plumes, accessoires et talons chamarrés. Et au-delà de l’impression que tu donnes à ceux que tu croises, pour une transaction du dimanche ou pour l’entretien d’embauche de ta vie, c’est surtout la façon dont toi tu te sens qui va déterminer tout cela.

En vrai, ce pimpin un peu coincé (un pantalon à pinces ? un dimanche ?) n’en avait certainement rien à secouer de ma tenue mais moi, je savais que même si ce jean est chargé de souvenirs, il est OK pour traîner devant un replay de L’Agence mais pas pour franchir le seuil de l’immeuble. Son regard de vieux prof de latin (il avait une raie sur le côté. Un dimanche.) n’était en fait que le reflet de celui que moi je portais sur ma tenue.

Et l’inverse s’est vérifié quelques jours plus tard. Pour une soirée de boulot assez importante dans un cadre impressionnant, j’avais (depuis au moins une semaine) prévu de mettre ma robe noire, mes chaussures Girl Power, j’avais fait mon vernis la veille et étais allée chez le coiffeur quelques jours avant. Bien sûr, ça n’a pas fait tout le taf mais je me sentais assez en confiance pour aller parler à des gens que j’aurais fait semblant de ne pas reconnaître avec mon jean troué. Et c’est ce boost de confiance qui fait que les gens vont aimer ton look, te le dire et te faire te sentir mieux encore. Ah, si j’avais croisé l’autre chef de camps scout à cette soirée !

Pour conclure :

  • Est-ce que les vêtements et le look font tout ? Bien sûr que non. Mais je suis la première à enfiler des talons et mettre du rouge à lèvres rouge les jours où j’ai de gros rendez-vous, juste pour faire illusion. A ceux d’en face ou à moi-même.
  • Est-ce que je me laisse impressionner par des interlocutrices qui appliquent les mêmes artifices ? Évidemment.
  • Est-ce que je suis de celles qui rêvent depuis leur adolescence d’un dressing à la Carrie Bradshaw et de soirées où tout le monde est hyper stylé en permanence et ne semble pas souffrir de porter des talons de 12 tous les jours ? Je ne connais personne qui ne rentre pas dans cette catégorie.
  • Est-ce que j’ai fait toute cette chronique pour justifier d’aller faire les soldes ?
La prochaine fois que je sors un dimanche à la rencontre d’un inconnu, je mise tout sur les chaussures.

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