Validation chronique

« Qu’avez-vous pensé de cet endroit ? Vos avis ont déjà été lus plus de 7000 fois. » Cette semaine, j’ai reçu cette notification de Google après avoir cherché mon chemin pour un restaurant. J’ai laissé passer ma première réaction qui était « mais qu’est-ce que ça peut bien te faire, espèce d’algorithme ? » pour me pencher un peu plus sur ce que ça disait de nous en tant que société.

Monsieur l’ordinateur, comme dirait Dorothée (on a les réf qu’on mérite) s’est dit qu’en me flattant la croupe tel un poney de manège, il allait me pousser à remplir sa base de données. Pour ma part, je ne suis pas très attachée au fait d’être visible donc ce n’est pas avec ce genre d’arguments qu’il allait m’avoir mais je peux comprendre que ça marche pour d’autres. « Ohlala regardez comme vous êtes important. Grâce à vous et à la critique en 3 points que vous avez laissée sur la page de la friterie de l’aire de l’A6, la famille Mouchard a pu passer un vrai bon moment en famille sur la route de Palavas-les-Flots. » Tu es valorisé, ça te fait du bien, tu te sens reconnu. C’est dingue à quel point ce genre d’arguments peut te pousser à faire des trucs dont tu n’as, dans le fond, pas envie. Tous ceux qui utilisent Waze en font d’ailleurs les frais : qui n’a jamais cliqué sur « Police dans 50 m. Toujours là ? » et vu les +2 points s’illuminer en grand sur l’écran ? Mais est-ce quelqu’un sait à quoi servent ces points, à part à te faire plaisir et donc à te pousser à continuer à cliquer pour, finalement, faire fonctionner le service de partage d’infos en temps réel ?

Je me pensais donc immunisée jusqu’à ce qu’en sortant de chez le coiffeur, je rentre chez moi et guette l’œil du Mâle. Il a souri comme il fallait mais je voyais bien que ça ne correspondait pas à son idéal. Il faut dire qu’il rêve de me voir une fois au moins avec les cheveux longs et que je suis revenue avec la coupe qu’aurait l’enfant de P!nk et un Peaky Blinders. A quoi pouvais-je m’attendre ? Pourquoi avais-je à ce point besoin de lire une validation dans son regard alors qu’à moi, la coupe me plaisait ?

Je dois être atteinte du syndrome de la bonne élève. Même si je fais les choses bien, que j’ai bien souligné le titre en rouge et laissé 2 carreaux de marge, j’attends qu’on me dise que c’est bien. Comme si l’avis des autres avait plus de poids que le mien. Et quand tu y penses, c’est souvent le cas. Tu ne te sens jamais aussi bien dans un vêtement que quand les autres te font un compliment, tu n’es jamais aussi fière de ton travail que quand un client te félicite pour un gros coup. Tu as beau savoir que tu as tout donné, tu ne te donnes pas assez de crédit pour te valoriser par toi-même.

Alors, évidemment, ça évite d’avoir un melon digne d’une culture de Cavaillon, ça t’aide à accepter la critique et donc aussi, à avancer, à t’améliorer. Mais dans le fond, n’est-ce pas un peu triste aussi ? J’ai mené une étude sur… une personne et les résultats sont effarants : 10 ans d’entreprenariat et je suis encore surprise quand quelqu’un de mon entourage pro me dit qu’on a créé quelque chose d’impressionnant ; des années de salle de sport en espérant entendre « wow mais tu vas à la salle toi, non ? » (avec le but ultime, une réponse faussement modeste du style « oh oui, un peu, quand j’ai le temps. ») ou encore 4 ans de blog, en pointillés, et je suis toujours à regarder les chiffres de chaque article pour voir lequel fonctionne, ou à l’inverse fait un flop, pour me dire que je dois tout changer pour vous plaire. Ou même à demander que vous partagiez pour que d’autres me lisent et donc… me valident. Mais dans le fond, pourquoi ? Si ce que j’aime c’est vraiment écrire, je ne devrais même pas avoir besoin de publier en ligne. Je prends un carnet My Little Pony avec un cadenas et j’y couche toutes mes pensées sans crainte aucune de jugement ou pire, d’être ignorée. Finalement, je suis la même personne que Philippe Couillard, 47 ans, comptable, qui a écrit sur la page de la friterie de l’A6 « pas gras, équipe sympa, ça faisait une bonne pause ! ».

Alors, après une grosse remise en question et une discussion déclic avec le grand sage qui partage ma vie, je me suis dit qu’il était peut-être temps d’attendre la validation des autres, que le plus important était surtout le ressenti et le plaisir que j’y trouve. Oui, j’arrive à associer « salle de sport » et « plaisir ». Pour l’entreprenariat, à toi qui me pousses à écrire depuis le début, pas de panique, je ne suis pas près de quitter le navire ! Et pour le blog, ça va peut-être changer de forme, mais je n’ai pas envie de le lâcher comme ça. Je réfléchis à tout ça et je vous tiens, bien évidemment informés. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Comment j’imagine Waze à chaque fois que je clique sur « Toujours là ? »

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