Cette semaine, je suis retournée à la salle de sport. Après des semaines de glande et de fausses excuses, j’en ai enfin retrouvé le chemin. Faut dire que des vacances chez tes parents, ça te donne une sacrée motivation pour y retourner à peine ta valise vidée.
Seulement, avec les événements qu’on connaît, j’ai dû changer de camp : je suis passée chez les « machinistes » alors que j’étais clairement du côté des « élèves ». Et dans ce camp là aussi, il y a des archétypes que tu retrouves partout.
Commençons donc par les « machinistes ». Ceux-ci ne jurent que par l’entraînement individuel sur des machines, donc, que certains qualifieraient d’objets de torture. Et bien même au sein de leur camp, il y a 2 catégories : les « cardio » et les « muscu ». Les drogués de l’endorphine te diront qu’il faut faire les deux. Les « no pain no gain » eux, ne regardent même pas les machines de cardio (sauf si un legging fluo assorti à une brassière visible est en train de s’y agiter dans un rythme presque coordonné). Eux se contentent de se déplacer très lentement en faisant attention de bien se regarder dans chaque miroir de la salle afin de voir si, entre 2 coups d’œil, un nouveau muscle, n’a pas émergé de leur marcel bien trop grand.
Au cardio, en revanche, plein de gens qui transpirent (beaucoup), respirent (encore plus fort) et te regardent d’un œil méfiant quand tu poses ta serviette sur la machine qu’ils avaient repérée pour leur parcours santé. Mais ça, c’est pour ceux qui sont là pour vraiment faire du sport. Parce que l’espace cardio sert aussi de lieu de rencontre (petits regards en coin), de repos (on t’a grillé toi qui fais plus de couchés que de développés) et même pour certains de cabine téléphonique…
Et puis de temps en temps, comme pour moi qui étais novice sur une machine cette semaine (machine à abdos, j’ai encore du mal à respirer…), tu as quelqu’un qui veut que tu entres dans le clan des machinistes et qui vient te montrer comment bien te positionner, juste pour être sympa. Même si je ne les fréquente que depuis peu, les machinistes ont l’air de ne faire de mal à personne. Ils sont dans leur coin, font du sport (ou pas), écouteurs vissés dans les oreilles.
Alors que quand tu es « élève » d’un cours collectif, et bien, tu t’exposes au… collectif ! Et comme dans la cour de l’école Jacques Prévert de Montargis, tu retrouves tous les clichés.
Evidemment, à l’entrée de la salle 20 minutes avant le cours, la fayotte. Elle, elle vient tous les jours sur sa pause déjeuner (j’en connais une qui n’a pas beaucoup d’amis parmi ses collègues), appelle tous les profs par leurs prénoms, a une tenue différente mais pourtant assortie tous les jours (quand toi tu as un simple grand tshirt un peu flou). Dès que le cours précédent est terminé, elle se précipite au premier rang (même si les autres ne sont pas encore sortis), file dire un grand « Helloooo Christian, ça va aujourd’hui ? T’es en forme j’espère ? Hihihi » Oui, en plus, elle a un rire de débile mais il faut qu’elle montre qu’elle est drôle parce qu’autour d’elle, on trouve les « suiveuses », celles qui l’admirent de venir tous les jours, celles qui voudraient être aussi lookées à chaque cours, celles qui aimeraient que Christian connaisse leurs prénoms aussi, celles donc qui vont rire aux blagues de la fayotte. « Ben alors Christian, tu te souviens plus des pas ? » (je n’ai pas dit que ses blagues étaient dignes d’un one-man show…). Marie-Caroline de la Brassière et ses copines sont aussi les seules qui vont crier un grand « Noooon » quand le prof demande au bout de 45 minutes à taper dans le vide sur un son de techno si on est fatigué. Bien sûr qu’on est fatigué, c’est même pour ça qu’on vient, tu n’es pas humaine si tu ne l’es pas ! On dirait qu’elles cherchent toutes à avoir la meilleure note sur leur bulletin de fin d’année. A un cours de body Attack d’une salle de sport ! Elle et ses suivantes sont tout bonnement insupportables. Mais en fait, à part vouloir devenir « la fitness girl du mois » dans le cœur du prof, elle ne veut pas forcément se faire aimer du reste du groupe. Elle veut garder cette distance qui la sépare des « rouges », ceux qui ont une constitution normale et qui s’essoufflent – parce que clairement, personne n’est fait pour donner des coups de pieds dans le vide pendant une heure dans une salle mal ventilée. Elle ne se donnera pas la peine de te parler.
Au grand dam du rigolo de service qui lui, vient pour créer du lien. Lui croit aux valeurs de partage dans le sport. Et ce qu’il veut partager c’est son incroyable talent humoristique. Il rebondit sur chaque mini boutade du prof de sport, comme s’il n’avait jamais rien entendu de plus drôle, et cherche avec ce regard plein d’espoir l’approbation des autres. Attention, le regarder dans les yeux à ce moment-là te condamne à une saison de clins d’œil et de blagues gênantes, à tel point que tu envisageras venir au cours de 7h30 le matin. Mais tout le monde le connaît et l’évite. C’est pourquoi il a appris à repérer très vite les nouveaux, qui, déjà stressés par les excités de l’haltère qui ont récupéré « leur » place, ne savent pas où aller et n’osent pas le demander. En moyenne le Dany Boon du tapis de sol réussit la prouesse de faire fuir un nouveau sur deux.
Enfin, comment parler de la salle de sport sans parler des profs de salle de sport ? Ces gens qui aiment le sport, de toute évidence, mais qui sont obligés de supporter 30 gogols incapables de coordonner leurs mouvements et qui les regardent sans bouger, les yeux écarquillés quand il y a une nouvelle chorégraphie. (je peux le dire, j’en fais très clairement partie)
En même temps, je suis sûre que ça les fait marrer, c’est leur petit plaisir à eux, d’enchaîner des termes comme « Jab », « Chien tête en bas », ou « Time » devant des têtes toutes rouges qui comprennent aussi bien que si on leur parlait une nouvelle langue. D’ailleurs, les profs de sport n’ont-ils pas une langue bien à eux ? Sinon, comment expliquer le tutoiement de tout un groupe ?
Attention, je n’ai rien contre le tutoiement, je travaille dans la communication, pas dans la logistique, le tutoiement fait partie de mon univers quotidien. D’ailleurs, je trouve que ça met tout le monde sur un pied d’égalité et donc que c’est parfaitement adapté aux valeurs du sport. Mais quand ça s’adresse à UNE personne, comme Madame Dupleix ma prof de CE2 et le Bescherelle nous l’ont appris !
Depuis quand dit-on « tu » à tout un groupe ? « Lève ta jambe plus haut », « Accélère », « Mets-toi dans le rythme de la chanson » (à bien y réfléchir, celui-là était peut-être pour moi en fait…). Mais franchement, non, pour le reste je refuse. Est-ce si compliqué de dire « AccéléreZ » ? Est-ce que tu vas vraiment gagner du temps en ne conjuguant qu’à la 2ème personne du singulier ? Et que vas-tu faire, Christian, de tout ce temps gagné ?
Ou peut-être veux-tu nous faire croire que nous avons tous la jambe trop basse ? (Sauf Davina au premier rang bien sûr). Parce que moi, dans mon narcissisme sûrement, je suis toujours persuadée que tu t’adresses à moi. Or, quand j’entends d’accélérer alors que je suis déjà au summum de mon rythme cardiaque, je risque la tachycardie pour te faire plaisir et remplir les consignes… Mais bon, quand l’oxygène réussit à se frayer un chemin jusqu’à mon cerveau (pendant les pauses donc), je me rends bien compte que ce n’est pas personnalisé. Donc pourquoi ce tutoiement de groupe ?
Qui a dit que le sport permettait de se vider la tête ? 60 minutes à enchainer coups de poing et coups de pieds sur un remix electro de la lambada et je continue à penser grammaire…
Sur ce, je dois y aller, la machine pour l’arrière des orteils vient de se libérer. Je TE souhaite une bonne journée.
