Il y a quelques nuits, j’ai découvert l’insomnie. Et c’est d’autant plus étonnant pour moi que je dors vraiment bien, partout, tout le temps, particulièrement dans les transports. La preuve : j’arrive à m’endormir en avion avant même le décollage ! C’est mon super pouvoir à moi. On ne peut pas tous lire les pensées des autres ou voler au dessus des gratte-ciels avec son slip par dessus son pantalon !
Et globalement, depuis plus d’une trentaine d’années, je dors à peine la tête posée sur l’oreiller. Donc avant cette nuit fatidique, je me contentais d’acquiescer quand on me parlait d’une nuit éveillée. (Les super héros ne dévoilent pas leurs pouvoirs.)
Et puis cette semaine, le drame. Alors que ce n’était même pas la pleine lune (pour ceux qui ne comprendraient pas cette phrase, voyez avec vos grands parents ou avec mes copines sorcières), je vais me coucher aussi confiante que d’habitude. « Pipi, les dents et au lit », comme disait ma mère (« et pas l’inverse » comme disait mon père) sauf que là, rien. Les yeux grand ouverts comme Edwige dans Harry Potter (pour ceux qui ne comprendraient pas cette phrase, voyez avec vos enfants ou vos neveux), rien ne se passe. Je ne sens même pas le sommeil prendre de la place dans mon cerveau, m’engourdir, m’empêcher de réfléchir.
C’est même pire en fait. Alors que normalement, même si je mets quelques minutes à m’endormir dans les pires cas, mon cerveau s’éteint petit à petit et mes dernières pensées avant Morphée ne sont pas à l’abri d’être découpées en plein milieu de leur développement comme un vulgaire rôti.
Là, c’est affreux, non seulement mes pensées ne se calment pas, mais au contraire, elles se déchaînent. 23H56, je n’ai toujours pas sommeil, j’ai déjà fait la liste des courses dans ma tête et revu mes rendez-vous de la semaine, je commets l’irréparable : je rallume mon téléphone. J’ai beau savoir que la lumière bleue va plus me garder éveillée qu’autre chose et j’ai beau avoir conscience que voir la dernière photo du repas de mon binôme de la fac à qui je n’ai pas parlé depuis ne m’apportera rien, à ce moment-là, je me dis que c’est de toutes façons la seule chose à faire. Sauf que les pensées sont déjà en pleine bousculade et que plus je descends dans les bas-fonds des photos de chats (dont je me fous) et d’haltères posées sur un tapis de yoga (dont je me fous encore plus), plus je repense à ce documentaire terrifiant sur la machine des réseaux sociaux, plus je me rends compte de ma schizophrénie…
00H24, je décide d’y mettre fin en pensant qu’au pire toutes ces images de sportifs du dimanche m’auront sûrement épuisée, que je vais pouvoir dormir. Ha.Ha.Ha.
00H52, j’ai testé toutes les positions dans lesquelles je m’endors normalement, mais rien n’y fait. (Ma préférée : sur le ventre, une jambe repliée et l’autre qui sort pour faire thermostat. Et non je n’ai pas peur que le monstre sous mon lit ne me croque l’orteil. De toutes façons, je n’aime pas les tongs)
Plus la nuit avance, plus je me dis que mon livre de chevet serait parfait mais comment faire pour le lire alors que le Mâle soupire de contentement tellement lui dort bien depuis plus de 2 heures. Pas sûre que son sourire endormi et béat ne subsiste quand il prendra le phare qui me sert de lampe de chevet en pleine face. Et depuis mes 12 ans, je n’ai plus de lampe de poche pour lire sous ma couette. Faut dire que c’est à peu près l’âge où j’ai arrêté de lire des « Chair de poule »…
01H45, je décide d’essayer la technique de sophro dont j’ai entendu parler : ressentir et penser à toutes les parties de ton corps en commençant par tes ongles de pieds et remonter. Arrivée à l’arrière du genou, j’avais l’impression de faire un docteur maboul sur mon propre corps. Mi amusée mi effrayée, j’ai rebroussé chemin…
02H37, mes pensées ne se bousculent plus, elles sont en plein embouteillage. Et ça va du simple mail que je dois écrire le lendemain à … globalement tout le reste : ne suis-je pas trop jeune pour avoir envie d’une maison de campagne ? Si on cassait le mur du salon pour en faire une grande pièce ? On pourra repartir en vacances bientôt ? Que dirait mon grand-père si je lui disais qu’une copine nous a dit qu’elle allait nous faire « une pizza bio pour flexitarien » ? (J’espère qu’il rigolerait autant que moi) Où j’ai mis mon pantalon gris que j’aime tant mettre l’hiver ? Est-ce que ça ne serait pas dû à ce café que j’ai bu à 14H20 ? Y a quoi à la télé en ce moment ? Est-ce qu’on est nombreux à se poser exactement les mêmes questions là tout de suite ?
Il faut dire que j’avais lu, quelques jours avant, un tweet qui m’avait fait rire sur le moment et bien moins à 3H24 quand j’y ai repensé : « et s’il n’y avait sur Terre à chaque instant, qu’un nombre maximum de gens qui peuvent dormir ? Comment faire si tu loupes le coche ? » Complètement second degré quand tu le lis en plein jour avec toutes tes facultés mentales, presque logique en pleine nuit. Notez que cette supposition pourrait expliquer toutes les théories du complot. Parce que tes pensées de la nuit sont généralement celles que tu peux avoir en plein jour avec un gros voile noir dessus et Evanescence en bande son. Donc ça ne m’étonnerait pas que le premier mec qui a imaginé que la CIA avait fomenté le 11 septembre, ou celui qui a un jour émis l’idée que les vaccins étaient distribués par Bill Gates pour nous implanter des puces et la 5G y aient pensé en pleine nuit. Moi, ce n’était que ma première vraie insomnie mais remettez-moi là dedans 2 ou 3 fois et je vous explique que l’intolérance au gluten est une maladie que les Asiatiques nous ont inoculée pour vendre plus de riz et mettre fin aux spaghetti du dimanche soir.
Bref, après avoir calculé environ 1117 fois combien de temps il me restait à dormir avant mon réveil, je crois que j’ai fini par sombrer vers 4H, pour faire certainement un rêve étrange, c’est aussi une de mes spécialités, on en reparlera. A mon réveil, j’ai eu l’impression que je m’étais reposée et que finalement dormir 3H et quelques me suffisait. Quel temps j’allais gagner, quelle quantité de choses j’allais pouvoir accomplir, quelle vie j’allais pouvoir mener. Le coup de barre de 14H après déjeuner m’a vite fait redescendre. Je vais continuer à dormir 7H par nuit environ, et tant pis pour la présidence de la république, je vais me contenter de celle du syndic !
Sur ce, je vous laisse, je me suis préparée une infusion de verveine, j’ai lâché tous les écrans depuis 4H, j’écoute de la musique douce : pas question que ça m’arrive une deuxième fois !

Un avis sur « Chronique d’une insomnie »