J’ai récemment vu un sondage qui dit que 7 Français sur 10 se trouvent drôle. Eux-mêmes. Et ça m’a fait réfléchir sur ce que voulait dire être drôle et sur ce que ça impliquait.
Bien sûr, comme plein de gens (et surtout comme ce cher Hubert) « j’aime l’humour ». Je vais voir des spectacles comiques, de genres différents, (quand le covid ne se diffusait pas expressément dans les lieux de culture – rho elle dénonce), je continue à suivre ces mêmes comiques sur les réseaux ou à regarder des comédies. Et je vis avec quelqu’un qui m’a séduite (et continue de le faire) notamment parce qu’il a su me faire rire. (Lui a d’ailleurs le droit de faire partie légitimement de ces 7 Français sur 10).
J’ai grandi avec des gens drôles, on était une de ces familles qui aurait pu faire une pub Ricoré tellement on rigolait tous ensemble et ma sœur était désignée comme le pitre de la bande. Aujourd’hui encore, son rire peut, à lui seul, me faire rire. Au cours de ma vie, je me suis toujours rapprochée et ai été entourée de gens qui, sur l’échelle de la blague, allaient du sourire de l’analyse cynique au bon vieux fou rire incontrôlable à base de blagues que les autres autour ne comprennent pas. A une époque, la devise était même « tout pour la vanne ». Ce qui force à une certaine autodérision et à pas mal de réactivité.
C’est ce qui me plait, d’ailleurs je crois le plus, dans l’humour. Pour moi, les gens qui ont de l’humour sont forcément intelligents, ne sont pas prétentieux, ni susceptibles. Savoir rire de soi est la plus belle preuve qu’on a bien compris qu’on n’était pas mieux que les autres.
Bien sûr, il y a plein de genres d’humours et on n’est pas obligé d’adhérer à tous. Non, je ne citerai pas Desproges (je n’ai ni la prétention d’expliquer sa phrase si connue, ni l’envie de passer pour ces vieux réacs qui l’utilisent à mauvais escient à tout bout de champ). Je crois vraiment qu’on a chacun son genre d’humour comme on a chacun son genre de cinéma ou de pizza. Et c’est là où je voulais en venir précisément.
Pour passer pas mal de temps sur les réseaux dernièrement (vous avez autre chose à proposer ?), j’ai l’impression que l’humour ou, en tout cas le manque d’humour de l’interlocuteur est devenu l’argument phare quand quelqu’un n’est pas d’accord. «Rho ça va c’est de l’humour » ne devrait pas être une réponse à quelqu’un qui explique point par point en quoi cette « blague » n ‘était pas drôle. En fait, comme un peu partout en ce moment, tout devient trop binaire, même dans l’humour. Ne pas trouver quelque chose ou quelqu’un drôle, c’est être rabat-joie et ne rien comprendre. A l’inverse, rire d’une blague pas forcément bien sous tout rapport, c’est entretenir un système. Je ne parle pas ici de politique, de patriarcat ou de racisme, je n’ai clairement pas les compétences pour cela. Mais je voulais juste exprimer ce ras-le-bol de devoir rire de tout (et pourtant je suis bon public) sous peine de se voir taxé de participer à la censure générale. Ou justement de devoir me justifier si je ris à une blague qui n’est pas politiquement correcte. (terrain glissant…)
Par exemple, je suis féministe, je crois fermement en l’équité entre les genres mais j’avoue avoir déjà ri à des blagues sexistes. Et de bon cœur en plus. Tout simplement parce que je sais pertinemment que la personne qui l’a énoncée n’est justement pas sexiste et que la blague n’était pas méchante. Et je remercie la personne en face de moi de ne pas avoir eu peur du fait que j’allais lui faire une leçon de morale sur sa blague, de m’avoir jugée assez intelligente pour que nous puissions rire ensemble. Et de bien vouloir rire quand je vais répliquer un autre truc cinglant à son encontre. La réplique, le ping-pong de l’humour est quand même une des meilleures choses qui soit quand il a lieu entre personnes intelligentes et bienveillantes.
A l’inverse, si cette même blague est balancée par un pauvre macho qui se sert de ça pour montrer sa supériorité du fait de la présence de son chromosome Y, là, je ne vais pas rire. Et je vais être assez expressive pour qu’il souhaite avoir inventé à la machine à remonter le temps pour éviter de recommencer.
Au delà de tout ça, et en dehors de toute considération politique, il y a aussi des jours où tu n’as pas envie de rire, où tu n’es pas ouvert à l’humour. Tu peux avoir mal dormi, t’être pris la tête avec ton +1 voire n+1, tu peux aussi juste ne pas avoir envie. Ça ne fait pas de toi quelqu’un de pas drôle, ça fait juste de toi un humain et pas un robot. Bonne nouvelle dans le fond, on a rarement vu un robot rigoler. (sauf Kit dans K2000 mais je soupçonne les scénaristes d’avoir voulu nous tromper. Et oui, je me souviens de Kit dans K2000)
Bref, je ne sais pas ce que j’aurais répondu à ce sondage « vous trouvez-vous drôle ? ». J’imagine que bien sûr, une partie de moi aimerait répondre oui. Et je m’évertue chaque semaine à glisser des façons de vous faire sourire dans ces chroniques mais de là à me trouver « drôle » ? Certainement pas pour tout le monde, encore moins tout le temps. Mais ce n’est pas si grave, on n’est pas obligé de tous se trouver drôles ni de rire à toutes les blagues. Ça ne doit juste pas être une excuse pour blesser en 2 temps : la vanne + le « oh mais t’as vraiment pas d’humour »…
Sur ce, je vous laisse, je vais aller regarder Mr. Beans. De l’humour gentil qui ne blesse personne.
