Chronique d’une vie saine

Depuis quelques jours, je me suis remise à courir. Dit comme ça, on pourrait croire que je faisais partie de ces gens qui enfilent un legging avant un café et qui vont courir tous les matins. Alors, non, je « courotte » régulièrement depuis des années avec des looongues pauses. Mais là, j’ai déjà dû faire 3 ou 4 sessions et j’en suis à la phase où j’ai l’impression que c’est le début d’une nouvelle vie, que cette fois je vais m’y tenir et que je ferai bientôt partie de ces gens qui prennent leurs baskets de running dans leur sac quand ils partent en week-end.

Mais je me connais, je sais que je vais connaître différents états. C’est déjà le cas pour une simple course. Déjà, je passe 3 jours à me dire « allez, dimanche, je vais courir, il fait beau, on n’a rien de prévu, je pourrai glander devant la télé après, ça me fera du bien. » Puis, plus le jour fatidique approche, plus je me penche à la fenêtre en me disant que ce petit vent frais risque de me donner mal à la gorge. Le dimanche matin, après moult tergiversations donc, je finis par enfiler mes baskets, un peu sous ma propre contrainte. Je pars, toute fière, et j’essaie de me dire que je dois respirer et allonger ma foulée. Puis, au bout du premier kilomètre à haleter comme un sanglier et à éviter la crampe dans le mollet, je commence déjà à me dire « allez, cours au moins jusqu’à la barrière, jusqu’au prochain stop, jusqu’au feu rouge… » Et là, sans crier gare, un nouveau souffle, je me prends pour la prochaine Marie-Jo Pérec et je cours. Mais mon corps me rappelle vite à l’ordre et un point de côté me donne une bonne excuse pour respecter le prochain passage piéton. Bref, j’alterne entre phases de fierté et phases de « oh et même si je marche, c’est déjà bien, je suis sortie, mon corps bouge, c’est toujours mieux que d’imprimer l’empreinte de ses fessiers dans le canapé ». Je finis par rentrer chez moi, rouge et transpirante, pour sauter dans une douche qui n’effacera pas les stigmates de l’effort incommensurable que je pense avoir fourni. Mais là, c’est le meilleur moment : je me sens forte, puissante, confiante, je peux tout faire (jusqu’à l’heure de la sieste). Et c’est généralement le déclencheur de cette envie d’une vie toujours plus saine.

Là, je me dis que je ne vais plus manger que des légumes bio, que c’est le timing idéal pour commencer une cure de jus détox ou pour arrêter le sucre et tous les produits raffinés. Que je vais aller à la salle de sport un jour sur deux. Que je vais diminuer ma consommation d’écran à tel point que mon portable ne rentrera plus dans ma chambre et que je pourrai lire un livre par semaine. Que je vais pouvoir m’adonner à la méditation afin de toujours mieux contrôler mon corps et suivre les préceptes de la médecine orientale qui veut qu’on aille chez le médecin pour continuer à aller bien. Bref, je vais devenir une machine et mon corps sera l’outil de ma réussite.

Et puis, je vais au resto pour le taf et là, c’est le drame. Pour l’accompagnement, mon cerveau occulte la possibilité des haricots et sourit aux frites. Là s’enclenche le mensonge à moi-même : « ce n’est pas grave, tu vas aller courir 2 fois plus ». Mais quand ? Je mets déjà 4 jours à me motiver et 3 jours à m’en remettre…

Donc jusqu’ici, je passais mon temps à osciller entre ces différentes phases tout en culpabilisant la moitié du temps parce que je me délectais de mon pain au chocolat au lieu d’un bol de flocons d’avoine au lait d’amande. Jusqu’à ce que je rencontre une personne qui m’a expliqué qu’elle maîtrisait tout, tout le temps. J’avoue l’avoir trouvée fascinante, puissante, impressionnante. J’étais scotchée par tant de volonté, en essayant de trouver en moi le quart de sa force pour être pareille.

Puis, en rentrant le soir chez moi, j’ai la chance d’avoir le Mâle qui, tout en m’écoutant lui raconter cette conversation, me dit « Du rouge ou du blanc avec le plateau de charcut’ ? » (du rouge bien sûr !) Sur le moment, tu te dis que non, tu as fait des efforts toute la semaine pour ressembler à ce modèle dont tu espères te rapprocher. Mais en fait, tu te dis aussi, assez rapidement, que ça c’est la vraie vie : la spontanéité, le plaisir.

Bref, je vais continuer d’osciller, de chercher le bon équilibre entre maîtrise et lâcher-prise, de me forcer à aller courir pour avoir bonne conscience après une trop grosse portion de frites, de boire un jus de citron tous les matins avant de passer à la boulangerie pour ma viennoise.

Sur ce, je vous laisse, je vais enfiler mon legging, il y a de la mousse au chocolat pour le dessert.

Moi quand je me dis qu’il faut que je me reprenne en main

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