Vous avez remarqué à quel point tout le monde se revendique « original », à quel point tout le monde a envie d’être différent de son voisin ? (remarque, selon les voisins, ça peut se comprendre)
L’originalité, ou en tout cas, le fait de ne pas ressembler à tout le monde, est quelque chose que j’entends depuis petite. Et à en croire les photos de moi au lycée (cheveux courts, pull vert, T-shirt jaune, pantalon bleu ou jupe courte et chaussettes montantes multicolores), c’est aussi quelque chose que j’avais bien intégré. Ou tout du moins, que je pensais avoir intégré. Ma sœur qui, elle, optait pour une garde robe qui aurait plus plu à Karl Lagerfeld, en sait quelque chose quand, tous les jours où elle sortait de sa chambre habillée en noir, je lui demandais si elle enterrait son ver de terre. (Mauvais) comique de répétition et originalité ne font en effet pas bon ménage, je l’ai compris un peu tard. Du coup, dans cette famille où on peut largement faire partir en burn-out un caméléon, on peut dire que ma sœur, elle, était l’originale. Comme quoi, comme d’habitude, tout est question de référentiel et de contexte…
Et pourtant, plein de gens se pensent originaux alors qu’ils veulent juste la même chose que tout le monde. Qui n’a jamais entendu « nous on voulait un appart atypique, avec beaucoup de cachet, quelque chose qu’on ne voie pas ailleurs » pour se retrouver dans un salon meublé par un géant suédois (et je ne parle pas de Thor ! d’ailleurs est-il suédois ?), blanc, avec des moulures et du parquet ? Et je ne blâme pas ni le fait de se fournir chez un marchand qui fait aussi des boulettes ni le fait d’aimer le bruit du parquet qui craque (et vu mon appart, ce serait vraiment être très hypocrite) mais pourquoi ce besoin de (te) faire croire que tu vis dans quelque chose que personne n’a ? Tu as le droit de te sentir inspiré par ce que tu vois dans les magazines de déco, de suivre des tendances, et, pire que ça, tu as même le droit d’aimer ça et de le vouloir pour chez toi. Ça marche pour tout ce qui demande un choix : ta déco, ton style vestimentaire, ta musique, tes vacances ou même le prénom de tes gosses. Ce n’est pas grave d’aimer des choses qui ont déjà été faites, de t’inspirer de ce que tu as pu entendre ou lire… Et ça ferait d’ailleurs du bien à tout le monde si tout le monde assumait. Ça éviterait pas mal de bégaiements quand la petite Hémyli épellera son prénom. (Franchement, ça c’est le pire : les prénoms classiques qui ont l’air de sortir d’une mauvaise pioche au scrabble)
Partout, on valorise le fait d’être unique, d’avoir des goûts bien définis et surtout quelque chose qui ne ressemble qu’à soi, que les autres n’auront pas. Que chacun développe sa marque de fabrique, un peu comme si on était tous des marques et qu’on travaillait notre marketing personnel.
Or qui dit marketing, même personnel, dit qu’on attend des autres qu’ils «l’achètent » (et pas seulement le petit monsieur qui hurle cette phrase depuis 3 ans à la télé sur des gens qui dansent ou des canapés). Mais est-ce qu’en recherchant cette validation sociale justement, tu ne vas pas perdre toute cette originalité qu’on attend de toi ? Est-ce que tu as forcément besoin d’être original de toutes façons ? Et à force de chercher partout l’originalité, est-ce que le « classicisme » n’est pas la meilleure forme d’originalité ? Vous avez deux heures !
J’ai lu récemment un article sur Instagram (oui ça fait partie de mon métier) où ils expliquaient que plus ça allait, plus les photos postées par des milliers d’inconnus tendaient à se ressembler. On va tous sur ce réseau parce qu’on se pense artiste mais au final, on cherche tellement à être « liké » qu’on va tous poster la même chose. Et l’essence même du truc se meurt : tu pouvais exprimer ta créativité, ton originalité, tu ne fais que poster des photos de ton chat ou de tes pancakes avec 3 myrtilles dessus pour montrer à tout le monde que tu es finalement le même qu’eux. Attention, je ne juge pas, la validation sociale est un des besoins fondamentaux si je me souviens bien de mes cours de socio (et puis venant de quelqu’un qui poste ce qu’elle écrit sur internet, ce serait une nouvelle fois hypocrite de ne pas comprendre ça).
Mais, encore une fois, je pense que tout le monde se porterait mieux si on pouvait assumer. Tu es vraiment original et tu veux poster des photos de chien ? Go mais n’espère pas les mêmes chiffres que les chats. (Crois-moi, je suis la première à le déplorer, les chiens me sont bien plus sympathiques). Tu ne l’es pas et tu vas partir en vacances là où tes collègues sont partis l’année dernière parce qu’ils t’ont donné envie ? Ce n’est pas grave non plus, assume, ça ne sert à rien de te prendre pour Christophe Colomb (parce qu’en plus, niveau trajet, c’était pas le meilleur).
Bref, je vais continuer de porter mes bottines vertes métallisées mais avec mon pantalon noir, continuer à ne pas poster des photos de chats mais à liker celles de mes copains, de naviguer entre mes envies d’originalité et mes envies de me fondre dans la masse. Mais je voudrais juste (attention, moment Miss France en vue) que chacun puisse faire ce qu’il veut en pouvant s’assumer. Et qu’on laisse le marketing aux marques de jambons et de téléphones.
Sur ce, je vous laisse, je vais faire des pancakes.

Un avis sur « Chronique (pas si) originale »