« Empathie : capacité de s’identifier à autrui dans ce qu’il ressent », selon Le Robert. Et dans mon métier, la communication, c’est quelque chose d’essentiel. Il faut pouvoir comprendre ce que ressent la personne à qui tu t’adresses pour mieux lui parler du produit, du concept que tu représentes. Mais on est d’accord que c’est souvent difficile, non ? Comment se mettre à la place des autres ? Comment réussir à imaginer que les autres fonctionnent différemment de toi ?
On pourrait se dire qu’on est à peu près tous fondus dans le même moule et donc que nos différences sont minimes. Mais il suffit, par exemple, de faire un tour sur Le Bon Coin pour te rendre compte que certains ne sortent définitivement pas de la même fonderie. Je cherchais une table de salon. Bon alors, déjà, il y a des tas de gens dont je ne partage pas les goûts mais ça, on sait tous qu’ils sont propres à chacun. En revanche, si je réagis instinctivement (jolie façon de dire « sans empathie aucune »), je me dis qu’il ne faut pas être le couteau le plus aiguisé du tiroir pour essayer de vendre une table en la présentant uniquement à l’envers. Oui, à l’envers comme une tortue qui ne pourrait pas se retourner, le plateau contre le sol et les 4 pieds en l’air ! 2 photos de la table, les 2 sur le dos.
Le Bon Coin est d’ailleurs un bon endroit pour exercer son empathie : que dire de personnes qui prennent leur meuble en photo pour les mettre sur un site avec des milliers de vues où on a droit, derrière la table en formica, à l’étendoir à linge plein des vieux slips de Papi Bernard en train de sécher ? Je peux tout à fait comprendre que ta lessive sèche au milieu du salon pour plein de raisons (tu n’as pas assez de place, la chambre était pleine, c’est la pièce la plus chaude de l’appartement…) mais est-ce qu’on ne peut pas attendre que tes chaussettes dépareillées aient retrouvé leurs amies dans ton placard avant de mettre ta table en vente ? Ou alors il y avait telle urgence à se débarrasser de ton meuble Ikea que tu ne pouvais pas patienter une petite nuit ?
Pourtant, j’en fais des efforts (oui soyons honnêtes, l’empathie n’est pas ma qualité première). Par exemple, il m’arrive régulièrement de me dire que le gros naze qui me colle en voiture et qui change de file toutes les 3 secondes pour avancer d’une voiture est peut-être juste quelqu’un qu’on vient d’appeler pour un proche à l’hôpital. Donc là, au lieu de faire ce qui m’amuserait grandement, à savoir attendre qu’il se déporte sur la voie de droite pensant me doubler comme un gogol, me mettre pile à la hauteur de la voiture de devant lui pour le bloquer et le voir ruminer au volant en moumoute de sa golf TDI tunée, je le laisse passer en me disant qu’il a peut-être vraiment besoin d’avancer le plus possible. On ne sait pas toujours ce que les autres vivent… Donc oui, j’essaie de m’améliorer et de gagner des points de karma.
Malgré tout, mon naturel revient souvent au galop. Cette semaine, je visitais l’expo d’un grand photographe avec une amie. Et à chaque photo, de ce monsieur qui explique que le bon cliché ne vient pas par hasard, qu’il faut souvent rester des heures au même endroit pour une seule photo valable, tu avais cette petite dame (et elle n’était pas la seule) qui prenait chacun des tirages en photo, d’une main tremblante et hésitante, avec un cadrage qui laissait clairement à désirer et qui, par la même occasion bloquait un peu tout le monde – parce qu’il fallait évidemment qu’elle soit pile devant… Alors, non, je ne connais pas sa vie, peut-être qu’elle prenait ses photos pour les envoyer à un proche qui ne peut pas se déplacer, ou pour montrer à ses petits-enfants la beauté de cette expo, mais franchement, j’avais envie de lui arracher son téléphone et de lui coller la tête sur chaque panneau. Ou tout au moins de lui montrer où était l’objectif pour qu’elle arrête de mettre son doigt dessus. Comme ces gens qui vivent les concerts derrière la caméra de leur téléphone. Mais tu en fais quoi après ? Tu penses vraiment que si tu veux postuler à « filmeur de concerts » ta petite vidéo iphone prise depuis la fosse, avec le doigt sur le micro, va être la meilleure partie de ton CV ?
Bref, il y a de nombreuses personnes dont je ne comprends pas le raisonnement de prime abord : ceux qui ne commencent pas les puzzles par les pièces du bord, ceux qui vont te poser 14 questions sur Vinted pour un pantalon à 1 Euro (qui s’est déjà demandé, même pour un pantalon qui vaudrait 50€, le diamètre du tour de cheville ???), ceux qui assortissent du gris avec du marron (pardon, on a dit « chacun ses goûts »)… Mais parce que je veux avoir le meilleur score au jeu du karma, j’essaie de ne pas juger et de me dire qu’ils ont certainement de bonnes raisons. (Mais enfin, commencer un puzzle par le milieu, quelle drôle d’idée !)
Sur ce, je vous laisse, je vais refaire un petit tour sur Le Bon Coin, c’est bon pour développer mon empathie.
