Chronique lente

L’autre jour, je marchais derrière une femme que je trouvais lente. Ça m’arrive souvent, il faut dire. Je suis du genre à marcher assez vite, comme ces gens qui font de la marche rapide, sauf que moi, je n’ai pas de bâtons et je ne me dandine pas au point de me luxer la hanche tous les 3 pas. Bref, je marchais derrière cette dame, sur un trottoir où je ne pouvais pas doubler, ce qui m’a (évidemment énervée) forcée à me poser un peu et à regarder.

Elle avait des talons et sa démarche n’était pas juste lente, elle était élégante, distinguée. Comme si elle s’appliquait à marcher joliment. Forcément, me direz-vous, elle avait des talons et la règle est simple : si tu veux que ce soit joli, va doucement pour ne pas ressembler à un girafon qui vient de naître. Mais, je ne sais pas, elle, elle avait en plus une sorte de grâce naturelle qui m’a donné envie de ralentir pour essayer de lui ressembler (avant de me souvenir que j’étais en baskets-pantalon et que j’avais un train à prendre donc que je devais marcher vite pour être sûre d’attendre assez longtemps sur le quai – rappelez-vous, je suis toujours en avance !)

Comme quand tu es derrière un tracteur sur une petite route sinueuse, tu finis par lâcher prise et tu réfléchis en attendant la prochaine ligne droite. Là, dans ma « voiture piétonne », je commence à philosopher. Mais juste après cette phase bouffie de jalousie où je me dis « peut-être qu’elle est élégante, mais moi au moins, je suis efficace ». Je me suis donc demandé si la lenteur était toujours l’opposée de l’efficacité.

Dans de nombreux domaines, évidemment que si tu es lent, tu n’es pas efficace. Professionnellement, déjà, où la productivité est quelque chose qui est tellement enfoui en nous que tu penses très rapidement n’avoir pas bien travaillé le jour où tu as pris le temps de réfléchir, de te poser sur une to-do, de faire le tri dans tes mails. Alors que finalement, ces temps de « pause » sont peut-être ceux qui te permettent d’être encore plus efficace après. Et peut-être que tu fais les choses lentement mais parfaitement. Donc là tu gagnes en efficacité par rapport à ceux qui travaillent vite mais qui doivent refaire les choses plusieurs fois pour qu’elles soient bien faites.

Mais même dans la vie perso, il faudrait tout faire rapidement, en tout cas, selon une des voix dans ma tête. Je suis par exemple impressionnée par ce monsieur dont on a vu la vidéo tourner sur les réseaux qui est champion du monde de lecture rapide. Il est magique (oui, pour moi, c’est Harry Potter. Ou David Coperfield. Il faut des réf. pour tout le monde…) : il arrive à lire un livre de 200 pages en moins d’une heure. Et moi je regarde ça en imaginant le nombre de matières que je pourrais approfondir (Le Pouvoir Rhétorique de Viktorovitch est sur mon étagère depuis… un an peut-être…). Bien sûr, ça n’est pas fait pour les romans que tu as envie de savourer mais quand il s’agit de lire pour apprendre, la vitesse a quelque chose de très efficace.

Mais finalement, prendre le temps, ça peut être très satisfaisant parfois, voire donner des résultats que tu n’as pas en étant rapide. Par exemple, les chroniques dont je suis le plus fière sont celles qui ont posé dans ma tête et sur mon ordi pendant plusieurs jours. Même si parfois, je suis assez inspirée pour que tout vienne d’un trait.

Dans le sport, c’est pareil. Tu sais que les résultats ne viennent pas du jour au lendemain. Il faut accepter que ce soit lent et que ça prenne du temps pour voir ton corps de rêve émerger de ton enveloppe d’hibernation. Mais bon, dans ce cas, c’est plus l’effort sur le long-terme que la lenteur en elle-même qui fait l’efficacité.

Denier exemple, moi qui parle très vite (je me suis vue en vidéo récemment, j’ai enfin compris ce que me disait ma grand-mère. Ce débit… ) je sais que je gagnerais en compréhension de la part de mes interlocuteurs ce que je perdrais en nombre de bégaiements si je ralentissais un peu la cadence. Comme si ma mémoire était trop pleine et que je craignais d’oublier ce que mon cerveau a anticipé comme étant la phrase suivante. C’était d’ailleurs une des raisons qui faisait que j’étais toujours hors rythme dans les cours de body-combat : je pense tellement au mouvement suivant que je le fais avant qu’il soit demandé. Ça plus ma coordination légendaire, je sortais de là plus épuisée mentalement que physiquement… (oui, au passé, soyons lucides…)

Le temps officiel des résolutions est terminé pour cette année alors je m’auto-procure une dérogation (on a tous fait ça avec nos autorisations de sortie pendant le confinement, ça me manquait). Je décide qu’à partir de maintenant, je vais essayer de ralentir. Je suis sûre que ça peut me faire gagner du temps d’une façon ou d’une autre !

Je vous laisse, je vais ressortir mes talons du placard !  

Moi qui pense à comment je vais pouvoir être plus efficace !

3 commentaires sur « Chronique lente »

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